Origine de l’enquête confidentielle
L’enquête repose sur un rapport interne daté de 2022, que Mediapart a pu consulter grâce à une fuite de documents privés. Ces analyses démontraient que, sur plusieurs dizaines d’échantillons prélevés dans les usines Nestlé, certaines eaux dépassaient systématiquement la norme européenne pour l’arsenic. Le constat a été jugé suffisamment grave pour alerter immédiatement les ingénieurs qualité du groupe, sans toutefois déclencher de communication publique à l’époque.
Résultats alarmants : dépassements de la norme en arsenic
Norme légale : 10 µg/L (réglementation UE).
Taux mesurés : jusqu’à 13 µg/L selon le rapport interne.
Fréquence : une vingtaine d’échantillons hors norme sur un lot contrôlé.
À 13 µg/L, l’arsenic n’est plus une simple trace : c’est un poison cumulatif qui peut se loger dans l’organisme et engendrer des affections chroniques. Cette découverte inquiète d’autant plus qu’elle concerne une eau vendue comme « pure » et destinée à être bue quotidiennement, y compris par les populations les plus vulnérables (enfants, femmes enceintes, personnes âgées).
Pratiques suspectes et manœuvres de contournement
Le rapport interne ne se limite pas au constat de contamination : il dénonce aussi des infractions répétées aux normes sanitaires et des techniques de dissimulation :
Cloisons temporaires et installations cachées : pour éviter les visites d’inspection, des équipements de traitement non autorisés étaient montés puis démontés selon les contrôles.
Données falsifiées : certains résultats d’analyses officielles auraient été édulcorés avant transmission aux autorités sanitaires.
Manque de traçabilité : absence d’archivage rigoureux des interventions sur les réseaux de captage et de traitement de l’eau.
Cette accumulation de pratiques douteuses interroge sur la gouvernance et la transparence de Nestlé Waters, et soulève une question : peut-on encore faire confiance aux étiquettes ?
Impacts sur la santé et l’environnement
Risques sanitaires de l’arsenic
L’arsenic est reconnu comme cancérogène par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ; à long terme, son ingestion peut provoquer :
Cancers de la peau, des poumons, de la vessie
Troubles cardiovasculaires
Problèmes neurologiques et développement retardé chez l’enfant
Pollution liée à l’embouteillage
Outre l’arsenic, l’étude rappelle l’empreinte écologique du cycle de mise en bouteille :
Utilisation intensive de plastique à usage unique
Émissions de CO₂ liées au transport
Pollution des nappes phréatiques par les résidus de traitement
Réaction de Nestlé et perspectives
Interrogé par Mediapart, Nestlé a minimisé l’affaire, se référant à des actions correctives en cours et au respect des normes en vigueur. Toutefois, plusieurs ingénieurs internes continuent de tirer la sonnette d’alarme, estimant que le groupe doit :
Publier les résultats de tous les contrôles sanitaires
Renforcer la traçabilité et l’indépendance des analyses
Investir dans des technologies de purification plus performantes
Conseils pour les consommateurs
Varier les sources d’eau : alternez eau du robinet (filtrée si nécessaire) et eaux en bouteille de marques différentes.
Vérifier l’étiquetage : recherchez la mention « teneur en arsenic » et comparez aux seuils légaux.
Consulter les rapports officiels : direction générale de la santé (DGS), ANSES ou agences régionales de santé.
Conclusion
Cette affaire rappelle qu’aucune eau en bouteille n’est entièrement à l’abri des risques de contamination. En attendant des mesures réglementaires plus strictes, la vigilance des consommateurs et la transparence des industriels restent les meilleures garanties pour la santé publique.