Une mobilisation sans précédent contre la loi Duplomb
Tout a commencé le 10 juillet, soit deux jours après l’adoption définitive de la loi Duplomb par le Parlement. Eléonore Pattery, une étudiante en master de santé environnementale âgée de 23 ans, décide alors de lancer une pétition officielle via le site de l’Assemblée nationale. Son objectif : dénoncer la réintroduction controversée d’un pesticide de la famille des néonicotinoïdes, l’acétamipride.
Dans son texte de pétition, la jeune militante dénonce une « aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire ». Elle estime que cette loi représente un danger grave pour la santé publique, la biodiversité, la sécurité alimentaire ainsi que pour les engagements climatiques de la France.
En quelques jours seulement, la mobilisation prend une ampleur inattendue. La pétition franchit le cap des 500 000 signatures le samedi 19 juillet, après une accélération fulgurante : près de 400 000 soutiens ont été recueillis en seulement 48 heures. Ce succès viral est notamment dû aux relais puissants sur les réseaux sociaux, où de nombreuses personnalités publiques, à l’image de l’acteur Pierre Niney, ou encore des députés de gauche, ont apporté leur soutien.
Vers un débat à l’Assemblée nationale ?
Ce seuil des 500 000 signatures n’est pas seulement symbolique. Il ouvre potentiellement la voie à un débat officiel dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, sous réserve que ces signatures soient réparties dans au moins 30 départements français ou collectivités d’outre-mer. Si cette condition est remplie, la conférence des présidents de l’Assemblée pourra décider d’organiser un débat public sur la question, une procédure encore jamais déclenchée sous la Ve République.
Pour l’instant, la répartition géographique des signataires n’a pas été officiellement confirmée. Toutefois, avec un tel engouement national, il est fort probable que cette condition soit déjà remplie.
Il est important de noter que même si un débat a lieu, la loi elle-même ne sera pas automatiquement réexaminée ni abrogée. Toutefois, cela marquerait une première historique en matière de participation démocratique directe au sein de l’Assemblée.
Une loi adoptée dans la controverse
La loi Duplomb continue de susciter l’indignation, en particulier à cause de la réintroduction de l’acétamipride. Ce pesticide est autorisé dans certains pays européens jusqu’en 2033, mais son usage avait été interdit en France en raison de ses effets délétères sur les pollinisateurs, en particulier les abeilles.
Les apiculteurs, déjà très mobilisés contre l’usage des néonicotinoïdes, dénoncent un « tueur d’abeilles » qui menace l’ensemble de la chaîne écologique. Les impacts potentiels sur la santé humaine restent également préoccupants, bien que les études scientifiques disponibles soient encore limitées.
Les producteurs de betteraves et de noisettes défendent pour leur part la nécessité de cet outil chimique, faute d’alternative efficace contre certains ravageurs. Ils dénoncent également la concurrence déloyale qu’ils subissent face à des producteurs européens non soumis aux mêmes restrictions.
Un processus parlementaire critiqué
Outre le fond du texte, c’est également la manière dont la loi a été adoptée qui pose question. Le parcours parlementaire du projet a été particulièrement chaotique. Le rapporteur lui-même, Julien Dive (LR), favorable au texte, avait déposé une motion de rejet préalable. Il dénonçait l’« obstruction » de la gauche, qui avait présenté plusieurs milliers d’amendements pour ralentir l’adoption du texte.
La pétition appelle donc également à une « révision démocratique des conditions dans lesquelles la loi a été adoptée ». Ce que confirme la députée insoumise Aurélie Trouvé, présidente de la commission des Affaires économiques, qui s’est dite « surprise par l’ampleur de la mobilisation ». La pétition sera inscrite à l’ordre du jour de cette commission à la rentrée de septembre, où un vote décidera de la suite à lui donner.
Un signal fort pour la démocratie participative
Au-delà de la loi elle-même, cette mobilisation citoyenne constitue un signal fort pour la démocratie participative en France. Jamais une pétition officielle sur le site de l’Assemblée n’avait rassemblé autant de signatures en si peu de temps. Cela reflète une inquiétude grandissante des citoyens face aux décisions politiques ayant des impacts directs sur l’environnement, la santé et la biodiversité.
Si le débat est confirmé à l’Assemblée nationale, il ouvrira un précédent démocratique et posera la question du poids réel de la parole citoyenne face aux décisions législatives.